Le public avait patienté sous la neige, dans le froid, le vent et la pluie à Berlin jeudi soir et a accueilli U2 sous un tonnerre de cris de joie et de jubilation, ce que l’on n’avait pas vu depuis près de 20 ans dans cette ville. Alors que les lumières brillaient sur la ville historique, on avait la sensation de vivre une occasion très spéciale et c’était effectivement le cas.
Bono saisissait le micro tel un bon vieux prédicateur et balançait aussitôt ses talents linguistiques teutons. "Vielen Dank Berlin. Du bist Wunderbar" (merci beaucoup Berlin, tu es formidable), déclarait-il à un public très appréciateur. Une fois cela fait, l’on passait aux choses sérieuses.
Le morceau d’ouverture ‘One’, enregistré il y a 19 ans à Berlin pour l’album Achtung Baby, déboulait tel un ouragan appuyé par des éclairages époustouflants projetés sur l’un des monuments le plus historique d’Allemagne. Les mots WEST (ouest) et OST (est) étaient projetés ensemble, puis divisés, bientôt suivis par ONE (un), FREEDOM (liberté) et LOVE (amour). C’était le titre parfait pour donner le coup d’envoi à cette soirée.
‘One’ était suivi par la puissante ‘Magnificent’ extraite de No Line On The Horizon, et s’il y avait jamais eu un bruit joyeux ce fut bien ce soir-là, à ce moment-là. Les paroles "Only love can heal such a scar" (seul l’amour peut guérir pareille cicatrice) et "Only love unites our hearts" (seul l’amour unit nos cœurs) prenaient un ton encore plus poignants alors que Berlin tout entier les entonnait à l’unisson.
Pourtant c’est ‘Sunday, Bloody Sunday’, qui pour de nombreuses personnes a été le moment fort de cette soirée. Cette chanson qui traite de l’Irlande divisée aurait tout aussi bien pu être écrite pour Berlin, l’aspiration profonde à la paix et à l’unité au beau milieu des frondes et des flèches de cet effarant conflit humain, toujours aussi pertinent. "Tonight, we can be as one" (Ce soir nous pouvons ne faire qu’un), de chanter Bono alors qu’un écho massif retentissait dans le ciel nocturne, Jay-Z – ’le maire de New York’, comme l’avait surnommé Bono – rejoignait le groupe sur scène pour terminer cette chanson. En chemin, U2 fusionnait son ‘Sunday Bloody Sunday’ avec le ‘Get Up, Stand Up’ de Bob Marley, épiçant le texte original, l’adaptant à la circonstance :
"And all the lovers and hate (et tous les amants et ceux qui haïssent)
That pass these keepers of the gate (qui passent ces gardiens de la porte)
And it’s a heavy weight this history (ET c’est un poids lourd que cette histoire)
But it’s not too late..." (Mais il n’est pas trop tard)
Après avoir terminé cette chanson et dit pris congé du maire, Bono s’adressait directement au public et aux caméras. "Feel this moment that we’re in, in this beautiful city of Berlin... Ich liebe Berlin" (sentez ce moment dans lequel nous sommes, dans cette belle ville de Berlin... je t’aime Berlin), déclarait-il avant de poser la main sur son cœur. ‘Beautiful Day’ était naturellement le morceau qui convenait, toujours aussi superbe, se concluant sur un passage du ‘Blackbird’ des Beatles.
"Black bird singing in the dead of night (Oiseau noir chantant dans le silence de la nuit)
Take these sunken eyes and learn to see (Prends ces yeux creux et apprends à voir)
all your life you were only waiting (Tout au long de ta vie tu ne faisais qu’attendre)
for this moment to be free" (Cet instant pour être libre).
U2 donnait le coup d’envoi de son avant-dernier morceau en se lançant dans l’intro de ‘Vertigo’, en allemand. Un bon morceau de rock mais sans la vibration obtenue partout ailleurs, vraisemblablement la partie la moins fascinante de ce concert.
Nos four paddys concluaient par Bono décrivant ce qu’il considérait être "une chanson dédiée à ceux qui tentent de s’accrocher – juste un tout petit peu plus fort", avant de se lancer dans une version épique du superbe et merveilleusement émouvant ‘Moment of Surrender’. Une fois la set achevée, un peu plus d’une demi-heure plus tard, le groupe se tenait debout uni et saluait, s’inclinait et partait.
Et alors que 10.000 âmes s’écoulaient vers l’Unter den Linden, quelques unes commencèrent à fredonner la mélodie captivante par laquelle U2 avait terminé son spectacle. Elle se répandait telle une trainée de poudre et en l’espace de quelques secondes tout le monde se mettait à chanter à tue tête uni dans le bonheur - et peut-être même dans l’amour.
Au final, pour ce qui représente presque le 20e anniversaire de l’époque qui a fait tomber le tristement célèbre Mur, U2 a donné aux Berlinois quelque chose d’unique à quoi s’accrocher pour les nombreuses années à venir. C’est en de telles occasions que l’on comprend simplement combien la musique de U2 est merveilleusement sympathique et vibrante.
One love, we get to share it... (Un amour, nous devons le partager)