Interview de Bono (U2) pour DAZED & CONFUSED Magazine (Part II)

Extrait de Daze & Confused Magazine, May 1997. Mille mercis à MacPhisto.net pour cette archive.

Bono @ Popmart Rotterdam, 1997 - Photo © cvodb/U2log.com

S’ensuivent plus d’explosions : un son comparable à celui des tambours du diable gronde dans les rues étroites de Dublin. Ce doit être des fusées de feu d’artifice mais pourquoi n’y a-t-il pas de motifs brulants multicolores éclairant le ciel ?

"Enquêtons", me dit Bono empruntant un accent comique mi-Sherlock Holmes, mi-Hong Kong Fooey (NDLT : Honk Kong Fufu en français, personnage de dessin animé)). Plus vite que l’œil humain, le voilà sorti de la confortable pièce au sommet des studios de répétitions Factory pour se retrouver dans la zone principale de répétition. Une poignée de techniciens de U2 mettent calmement fin à un après-midi de répétition sur amplifié. Ils informent leur boss qu’effectivement le son de cette révolution provient de fusées pyrotechniques ; il y a une fête au Point pour fêter le lancement d’un nouveau réseau de téléphones mobiles. C’est un interlude surréel au beau milieu de notre interview décontractée. Bono et moi-même reprenons notre conversation là où nous l’avions laissée, le son des feux d’artifices rebelles se renforçant.

Je trouve que l’impression que donnent de vous les media est fort différente de la personne que vous êtes.

Bono C’est vrai, les stéréotypes sont comme ces histoires publiées dans la presse tabloïd. Une fois sorties, on ne peut revenir dessus : c’est tout. Ce qui me surprend toujours c’est combien les media peuvent être puissants. Je pourrais être malade comme un chien, être plein de tremblements, les yeux rouges et plein de problèmes et parler avec quelqu’un et ils écriraient une histoire sur moi comme ce monstre. C’est étonnant qu’ils croient plus en ce qu’ils lisent qu’en ce qu’ils voient en fait.

Y a-t-il une part de vous qui soit animale ?

Bono Ouais.

L’envie de voyager qui est en vous ?

Bono Il y des moments où je ne veux pas aller au lit, et puis je passe par des périodes où je ne veux pas sortir du tout. C’est génial quand l’un ou l’autre arrive. Le truc, je pense, est de s’approprier le fait que l’on est de nombreuses choses et d’essayer de résoudre cela. Elles ne sont pas vos ennemies, ces différents aspects de vous-même, ce sont simplement ces grands moments.

Vous avez la capacité de les exorciser parce que vous avez le luxe de votre position.

Bono C’est ça ! Exactement cela, et j’ai l’impression que ce serait presque gâcher que d’avoir cette chance.

Je voulais vous poser une question sur la drogue : ce n’est pas quelque chose dont vous parlez dans ce que j’ai lu.

Bono Dites simplement Noel. [Rires]. Si vous voulez le bon matériel, dites seulement Noel. [Rires]

Avez-vous jamais traversé ce genre de passe ?

Bono Ce n’est pas mon truc. Ca ne m’intéresse pas vraiment mais j’ai beaucoup de peine pour les personnes qui sont dedans. J’ai essayé d’élever le débat et de parler des faits et ça a été dénaturé et dans les tabloïds, il a été écrit que je disais : ’je pense que c’est génial la drogue’, et en fait, je ne le pense absolument pas. Je pense que la drogue c’est nul, mais je ne le dénigre pas. Boire c’est nul, les cigarettes c’est nul. C’est ça le truc. Pour ce qui est de la drogue et de moi-même, en tant que personne, le genre de drogue dont j’ai besoin est probablement de celles qui me mettent à plat et pas le contraire.

Elles sont disponibles

Bono [Rires] Merci. Je me ferai faire une ordonnance. Les couleurs sont très vives pour moi, les sons très forts et je suis plutôt vif, aussi n’est-ce pas mon truc, mais je pense que quelqu’un devra en prendre la responsabilité, parce que je respecte totalement certaines personnes qui sont sous l’influence de la drogue et je pense qu’il existe une véritable hypocrisie sur ce sujet. Ceci étant dit, il n’est rien de plus décadent qu’une pop star parlant de la quantité de drogue qu’il prend et de comment il procède pour filtrer son sang. Je me souviens de l’époque où je grandissais du côté nord de Dublin ici et les gens admiraient les personnes qui prenaient de la drogue et beaucoup de ces personnes ne pouvaient se permettent une transfusion sanguine et finissaient par mourir, et je connaissais certaines de ces personnes. Il n’est pas si facile d’approuver ou de désapprouver. Et c’est là mon dernier mot sur le sujet.

Si j’ignorais que vous étiez Bono que pourriez-vous me dire que seul le vrai Bono pourrait savoir ?

Bono C’est le nez ; personne n’a un nez tel que celui-ci. Je suis sûr que si quelqu’un se pointait prétendant être le vrai Bono, il serait bien plus grand, beaucoup plus futé et bien plus cool.

Faut-il vendre une partie de son âme pour réussir comme vous en faisant de la musique ?

Bono Je peux vous répondre honnêtement et je peux vous dire non. Je ne doute pas que certains l’ont fait, parce que si vous n’avez pas de moralité, d’une certaine façon vous devenez plus puissant, et je pense que ça doit être vrai. C’est plus dur pour soi si l’on ne veut pas. Mais n’avons jamais dû le faire, et nous possédons cette incroyable volonté pour faire en sorte que cela n’arrive pas, mais je suppose que d’une petite façon je pense que l’on doit être moins quelque part lorsque l’on est plus ailleurs.

Il doit exister des sacrifices personnels à faire pour atteindre le succès.

Bono Je suppose qu’il doit en exister, mais je n’en vois pas, mais cela serait tout à fait sensé. Nous avons eu de la chance : il y a toujours eu un sens de l’indépendance chez U2, et Island records nous a vraiment aidé en cela, notre manager était une garde du corps génial. Lorsque j’emploie le mot ’moralité’, c’est vraiment désobligeant envers ce même ne serait-ce que de l’introduire dans une conversation, mais je suppose que c’est ce que vous vouliez dire, que l’on pourrait avoir à brader ses idéaux ?

Oui.

Bono Bien, non, absolument pas en ce sens. Nous l’avons dit dans le rayon lingerie de K-Mart. Nous sommes toujours le même groupe que nous avons toujours été : nous avons simplement appris à ne plus ressembler à des personnes aux idéaux aussi hauts.

Qui est le plus ironique de vous quatre ?

Bono Edge

(à suivre)

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